En 1945, les indigènes forment le quart des troupes françaises engagées en métropole. Cependant, bien qu’égaux devant la défense du territoire français, bien qu’égaux devant la mort qu’on y récolte comme un rien, ils ne sont égaux qu’en devoir. En droit, ils ne sont pas des citoyens. « La République nous appelle / Sachons vaincre ou sachons périr / Un Français doit vivre pour elle / Pour elle un Français doit mourir. » Ça, ça les concerne. Voter, non. Avoir leurs institutions politiques. Non. La France est la patrie des droits de l’homme. Cocorico. Mais pas à tous, quand même, faut pas exagérer.

Le 8 mai 1945, à Sétif, une manifestation importante pour l’indépendance de l’Algérie est réprimée dans le sang. Pendant trois semaines, la région de Constantine est en guerre. Les autorités françaises autorisent les milices et les arment, avec le droit militaire de tuer sans compter. Divisant pour « régner », les autorités françaises envoyèrent des troupes sénégalaises puis marocaines réaliser cette répression. Tout azimut. Tout le monde punissable. Bombardements, tortures, meurtres, viols, vols de n’importe qui, villages brûlés. Arbitraire absolu, tous coupables. C’est une population entière qui subit cette violence brute.

Pendant ce temps, en métropole, peu ou pas d’information et des informations édulcorées : « troubles » en Algérie, autant dire une bagarre entre fêtards un peu trop énervés. Les informations données aux colons étaient aussi « organisées » pour leur faire peur. C’est un journaliste américain, Landrun Bolling, (je dirais comme toujours) qui fut le premier et longtemps le seul à aller voir et à dire ce qu’il voyait.

Le 15 mai, l’Etat français envoie des émissaires pour annoncer les négociations et la paix, ce qui était un piège. Certes, il y eut négociations et paix mais en même temps que répression et tortures. Avec tortures morales : obliger les Algériens à crier « Vive la France ». Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas la France, c’est qu’ils veulent être indépendants, prendre leurs affaires en main. Sont organisées des séances de soumission ou de reddition. Les soldats algériens qui reviennent de métropole avec la gloire de la victoire sur le nazisme seront retenus une semaine à Alger et ne rentreront chez eux que le 24 mai. Le temps de finir la « reddition ». Cependant, des voyageurs sont témoins et relatent ce qu’ils voient. Des articles paraissent à l’étranger.

Une inquiétude pèse sur l’Etat français : les institutions internationales (l’ONU) mettent en place le principe de l’autodétermination des peuples, qui étend l’égalité de droit des hommes aux peuples légitimes.

L’Etat français crée une interprétation sur une sorte de ligne moyenne, avec la complicité de la « communauté internationale » (je ne sais pas si cette idée et cette expression existaient à l’époque) : en Algérie, il y eut des émeutes pour la nourriture. De telle sorte que les relations internationales contribuent fortement à faire cesser la répression, sans obliger à condamner la France pour ce qu’elle a fait vraiment.

Les autorités étatiques françaises dans toute cette affaire ont organisé, et la violation des principes fondamentaux exprimés (l’égalité en droit de tous les hommes) et le secret sur leurs actes. « Si la France pu se penser victime du nazisme, elle était précisément, à travers son comportement à Sétif du côté des agresseurs. » Isabelle Rèbre.

Nombre de discours déplorent que les jeunes Français ne sachent pas trop bien que le 8 mai commémore l’armistice et la victoire sur l’Allemagne nazi. « L’autre 8 » mai, le 8 mai de l’Algérie et ses suites violentes, habite sans doute nombre de Français mais il n’est toujours pas question d’en parler.

France-Inter est allée interroger des gens sur les Champs Elysées : « je pense qu’il faut continuer à faire vivre l’histoire de France, normalement chacun doit être au courant de l’histoire de son pays… » (…) « Il faut qu’ils (mes enfants) se rappellent de tout ce qui s’est passé… des Français qui se sont battus pour avoir le pays qu’on a aujourd’hui… » Le journaliste déplore que nous ayons la mémoire qui flanche. Pour le spécialiste invité, Jean-Joseph Julaud, l’Histoire doit être racontée, doit être un récit. Il évoque les Français immigrés récents qui doivent aussi apprendre l’Histoire officielle de la France pour savoir d’où ils viennent et ce qu’il les a faits : « On n’est pas là par hasard » dit-il. Mais même sur son blog, il n’y a de 8 mai 1945 qu’en Europe, « jour n°1 de la liberté par rapport au joug nazi ».

Il se trouve que cette année, l’ascension, fête religieuse chrétienne et que l’Etat a repris en sa laïcité tombe juste à la suite ! Le journaliste de France-Inter ne s’y est pas trompé qui a lié 8 mai et ascension dans la mémoire qui flanche comme s’il s’agissait de la même chose ! Cette fête est liée à la lune, elle se déplace dans le calendrier solaire qui est le nôtre. Ce lien à la lune appartient à l’Eglise catholique qui a ses raisons, lesquelles ne devraient pas devenir celles de l’Etat.

Nous avons des progrès à faire pour que l’Etat applique encore plus et mieux ses principes, ses intentions. Cesser de férier des jours chrétiens, casser le concordat en Alsace et Lorraine…

Tout au contraire, nous avons, en mars 2004, choisi d’inverser le principe de laïcité : au lieu d’être un principe étatique d’indifférence aux religions dans le but de permettre à chacun de pratiquer la religion de son choix ou de sa naissance, nous en avons fait un principe de commandement étatique sur les citoyens qui, d’un seul coup, doivent afficher qu’ils n’ont pas de religion, alors qu’ils en ont une. La loi du 15 mars 2004 est dite loi sur le voile assez souvent (ce n’est pas dans son texte, car ç’aurait été censuré par le conseil constitutionnel).

Au fond, il s’agit de la continuation de cette même histoire. Nous nous racontons que nous sommes pour l’égalité de tous (nous sommes de grandes âmes) et nous organisons une inégalité structurée par le colonialisme soi-disant terminé. Avec manipulation des « valeurs »…

Nous devons pour vivre ensemble mettre plus d’honnêteté dans nos relations.

Sur l’esclavage, son abolition qui fut dans la loi en 1848, la traite des noirs, il y a débat et ce n’est ni facile ni parfait, mais c’est public. Le Président Hollande : « La France, elle est consciente de son histoire sans jamais rien effacer, elle la regarde franchement pour la dépasser sans jamais rien effacer, elle sait que c’est la condition pour son unité mais la France, et je vous regarde, elle est fière de sa diversité… »

Je veux dire fortement ici que je ne prends pas ces paroles dans le populisme ambiant généralisé, genre « encore un mensonge ». Je le prends comme une volonté, un désir plus facile à dire qu’à faire, et qu’on ne pourra réaliser qu’en le disant avant de le réaliser, je le prends comme un chemin que l’on peut parcourir et sur lequel cet article est un modeste pas.

 

Français, encore un effort pour être républicains ! Encore en effort pour rendre laïque l’Etat français !

Quelques sources : L’autre 8 mai 1945, aux origines de la guerre d’Algérie : http://www.youtube.com/watch?v=U6UGEIdk0-E

Ton 8 mai 1945 et le mien : http://www.publie.net/fr/ebook/9782814500440/ton-8-mai-1945-et-le-mien

Le journal de France-Inter : http://www.franceinter.fr/emission-le-journal-de-13h-inter-treize-58

Le discours du Président Hollande : http://www.youtube.com/watch?v=K6wYWXgoR-I

La photo : http://amis-algerie.com/

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